Par Clémence Casse
Cette semaine a eu lieu une session de trois jours (de mardi 9 à jeudi 11 avril) où les différents dirigeants du Pentagone ont exposé et débattu de leurs conceptions de l’architecture du spatial au sein du Département de la Défense alors même qu’un débat sur cette question a pris place parallèlement au Congrès.
Les deux premiers jours ont été l’occasion pour chacun d’exposer sa vision lors d’un discours. Patrick Shanahan, Secrétaire à la Défense par intérim, a utilisé le sien pour mettre en avant les dangers émanant de la Chine, notamment en ce qui concerne l’espace. Pour lui, le prochain conflit majeur pourrait être décisif dans l’espace extra-atmosphérique : il est donc nécessaire de rester compétitif dans ce domaine en particulier alors que la Chine développe de manière très rapide ses capacités spatiales, entre autres. Le régime de Pékin est aujourd’hui capable d’attaquer les communications par satellites, les capacités ISR dans l’espace et les systèmes de géolocalisation. Les Chinois déploient également des armes à énergie dirigée – lasers – (des armes ne nécessitant pas de munitions, fonctionnant à l’aide d’ondes électromagnétiques ou sonores ou bien à l’aide de particules possédant une masse) et pourraient même déployer, dès l’an prochain, un système laser terrestre (Ground Based Laserou GBL) pouvant cibler les satellites en orbite basse. Shanahan craint aussi que Pékin ne procède à des cyberattaques contre les systèmes spatiaux américains. Il a également mentionné que la Russie a un comportement semblable à celui de la Chine en ce qui concerne l’espace et le développement de technologies militaires en général. Néanmoins, l’accent a été mis sur la menace chinoise qui apparaît comme plus importante que celle posée par la Russie dans ce domaine : le développement technologique de la République populaire en matière cyber, spatiale et hypersonique inquiète grandement les Etats-Unis. Il faut noter que Shanahan n’a fait aucune mention de la destruction d’un satellite par le gouvernement indien il y a quelques semaines alors que le Pentagone a toujours vivement critiqué la violation des normes de conduite par les capacités anti-satellites chinoises.
Jeudi, dernier jour de cette Space Week, Patrick Shanahan, Heather Wilson, Secrétaire à l’US Air Force, le CEMA Joseph Dunford et le commandant du US Strategic CommandJohn Hyten ont comparu ensemble devant le Senate Armed Services Committeepour défendre le projet de la création d’une Space Force, d’un Space Commandet d’une Space Development Agency. L’audition a duré près de trois heures. Au cours de celle-ci, les sénateurs ont cherché à éclairer ces différents projets. Beaucoup d’entre eux ne se sont pas encore prononcé publiquement à ce sujet et les dirigeants du Pentagone devaient donc les convaincre de la nécessité de ces créations et justifier les coûts supplémentaires que cela entraînerait. Les grandes questions concernent la nécessité de créer à la fois un nouveau commandement (US Space Command) et une nouvelle branche des forces armées américaines (Space Force) mais aussi l’efficacité de cette nouvelle organisation comparée à celle de l’actuel Air Force Space Command. Pour le général Dunford, si le projet de la Space Force est soutenu par le Congrès, tous les problèmes et questionnements ne seront pas résolus a priori : il suggère donc que l’organisation soit mise en place le plus vite possible, dès la prochaine année fiscale puis peaufinée au fur et à mesure à l’aide notamment du comité. Cet argument a aussi été avancé à plusieurs reprises par Shanahan. L’exercice auquel se sont prêtés les dirigeants du Pentagone était périlleux, notamment à cause des dissensions existant entre eux. Ainsi, Heather Wilson est très critique de la Space Development Agency, établie le 12 mars, s’opposant ainsi à Shanahan qui en est un fervent défenseur. Lors de l’audition, Wilson a réaffirmé qu’elle ne pensait pas que la nouvelle agence puisse fonctionner correctement mais aussi qu’elle rajoutait des couches bureaucratiques souvent redondantes avec des structures déjà existantes, notamment au sein de l’US Air Force. Le 8 mars dernier, Wilson a annoncé sa démission du poste de Secrétaire à l’US Air Force pour devenir président de l’université du Texas. Sa démission sera effective le 31 mai.
Si certains élus restent sceptiques (y compris le président républicain du comité James Inhofe), craignant, entre autres, que la Space Forcene soit pas efficace et ne rajoute en réalité qu’une structure administrative, sans effet direct sur la capacité militaire américaine, tandis que d’autres représentants seraient prêts à soutenir la proposition du Pentagone. Tous les élus membres du comité sont par contre d’accord sur l’importance de l’espace comme domaine stratégique et par extension, sur l’intérêt de l’US Space Command.