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Libye : Portrait du maréchal Haftar
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Khalifa Haftar est né en 1943 à Ajdabiya, capitale du district d’Al-Wahat dans le nord-est de la Libye, à près de 360 km au sud-est de Syrte et de 200 km au sud de Benghazi. À l’âge de vingt ans, Khalifa Haftar entre à l’académie militaire royale de Benghazi en 1963 et fait la connaissance de Mouammar Kadhafi, d’un an son aîné. Ces jeunes militaires développent une grande admiration pour le panarabisme – mouvement visant à unifier les peuples de langues et cultures arabes. Fascinés par la réussite du coup d’État renversant le roi d’Egypte Farouk en juillet 1952, Khalifa Haftar et Mouammar Kadhafi rejoignent le Mouvement des officiers libres, incarnation du nationalisme révolutionnaire. Calqué sur le modèle de l’organisation clandestine militaire égyptienne créée et portée par le lieutenant-colonel Nasser, le Mouvement des officiers unionistes libres libyens est créé en 1964. Il vise à renverser la monarchie libyenne, qui suscite de forts mécontentements dès les années 60, dus au clientélisme avec l’Occident, à la paralysie des réformes sociales ou encore à la défaite lors de la guerre des Six-jours.

 

En 1966, Haftar est diplômé de l’académie militaire royale et obtient le titre d’officier spécialisé dans l’artillerie. En septembre 1969, le Mouvement, dirigé par Kadhafi, procède au coup d’État contre le roi Idriss Ier. Le lieutenant Haftar y participe et parvient à neutraliser la base aérienne américaine de Wheelus, une des plus importantes du bassin méditerranéen, située à l’est de Tripoli. Si le coup d’État est un succès, il n’en demeure pas moins qu’une scission apparait entre les cadets de l’armée libyenne. Certains organisent en décembre 1969 un contre coup d’État raté, mais Haftar reste quant à lui fidèle au régime de Kadhafi.

 

Devenu capitaine, Khalifa Haftar est chargé en 1973 de rencontrer le président égyptien Anouar Al-Sadate afin de négocier la participation de la Libye à la guerre du Kippour. Lors de la guerre, il dirige la 3e Brigade d’Infanterie Mécanisée. Il aurait surtout commandé l’unité de chars parvenue à percer la ligne Bar-Lev sur le Canal de Suez et à pénétrer dans le Sinaï. Il en ressort décoré de la médaille du Sinaï. En 1975 et 1983, Haftar est envoyé à l’école de l’Etat-major de Frounzé à Moscou où il poursuit sa formation militaire. Près de 300 militaires libyens auraient été formés comme Khalifa Haftar en URSS ou dans des pays de l’Est.

 

Dès 1975, le régime libyen se fragilise : en réponse aux complots qui se dressent contre lui, Kadhafi organise des purges contre l’institution militaire. Khalifa Haftar est quant à lui envoyé au Tchad comme chef du corps expéditionnaire en 1986 au moment où éclate le conflit sur la bande d’Aozou entre la Libye et le Tchad. En effet, Mouammar Kadhafi revendique la bande d’Aozou, territoire sur la frontière tchado-libyenne de près de 100 km de large, occupée illégalement par la Libye depuis plus de dix ans. Soutenu par la France et les États-Unis, le gouvernement tchadien d’Hissène Habré veut mettre fin à l’occupation libyenne sur ce territoire. Le conflit se transforme vite en défaite totale pour la Libye et Haftar est contraint de déposer les armes en territoire tchadien. Fait prisonnier et incarcéré à N’djamena, il décide d’entrer dans l’opposition à Mouammar Kadhafi afin d’être libéré avec ses 2000 hommes. Il rejoint alors le mouvement d’opposition libyenne en exil et participe à l’élaboration d’un plan pour renverser le régime. Basée au camp militaire d’Amsinéné, au nord de N’Djamena, capitale du Tchad, la « force Haftar » grandit et les soutiens internationaux se multiplient.

 

À la fin de la guerre froide, les rapports de force muent : la France souhaite renouer avec la Libye pétrolière et participe au renversement d’Hissène Habré au profit d’Idriss Déby. La présence d’Haftar et de ses hommes au Tchad n’entrent pas dans les plans de la France et du nouveau pouvoir tchadien qui souhaitent renouer le dialogue avec la Libye. Les alliés d’Haftar lui tournent le dos mais il parvient à trouver asile auprès des États-Unis. Son armée est répartie dans plus de cinq États et la plupart des soldats commencent une nouvelle vie. Haftar quant à lui vit à Vienna, une ville de Virginie près de Langley, siège de la CIA. Haftar ne nie pas avoir coopéré avec les États-Unis pour mettre fin au régime de Kadhafi et a notamment obtenu la nationalité américaine. Pendant son exil, il tente d’organiser à nouveau un coup d’État prévu pour octobre 1993. L’opération d’Haftar échoue : nombres de ses soldats sont exécutés, des membres de sa famille sont emprisonnés et des vagues d’arrestations d’opposants mises en place.

 

Ce n’est qu’avec le début du Printemps arabe libyen en mars 2011 que Khalifa Haftar reprend un rôle majeur dans la rébellion. Arrivé en Libye en mars 2011, il devient rapidement l’homme fort de l’insurrection : il participe à de nombreuses batailles, comme celle du golfe de Syrte. En décembre 2011, soit environ de deux mois après l’assassinat de Mouammar Kadhafi, il est nommé Chef de l’État-major de l’armée libyenne. Vivement critiqué pour sa coopération avec les américains lors de son exil, Haftar préfère se retirer de la scène politique libyenne.

 

Entre 2012 et 2014, Khalifa Haftar s’inquiète sur la sortie de la crise libyenne. Il considère que le mal libyen est dû aux groupes islamistes. Alors même que ses interventions publiques alarmistes sont mal reçues par la population libyenne, Haftar prépare une opération d’envergure. Il parvient à rassembler des troupes suffisantes dans l’ensemble du pays. Avec le soutien de tribus, d’une partie de l’armée mais aussi du ministère de l’intérieur, il crée l’armée nationale libyenne autoproclamée (ANL) et lance la première opération « Dignité » le 16 mai 2014. Cette opération vise à chasser de Benghazi les milices islamistes, au premier rang desquelles l’Etat islamique en Libye. Soutenu par l’Égypte et les Émirats Arabes Unis, il parvient à récupérer Benghazi après trois ans de combat.

 

Le 2 mars 2015, il est nommé commandant en chef de l’ANL et continu sa reconquête du territoire libyen. Dès 2016, il lance de nouvelles opérations vers le « croissant pétrolier » et Syrte, visant respectivement à récupérer l’ensemble des champs pétroliers et la ville qui est encore aux mains de l’État islamique. Il est proclamé maréchal par le Parlement de Tobrouk. Le 2 mai 2017, Fayez Al-Sarraj et le Maréchal Haftar se sont entendus sur la nécessité d’adopter une Constitution afin d’organiser des élections générales d’ici 2018. L’objectif n’a pas été atteint mais leurs intentions de coopérer et d’instaurer un cadre démocratique semblent avoir été confirmées lors de la Conférence de Palerme le 12 novembre 2018. En revanche depuis mi-janvier 2019, le maréchal Khalifa Haftar s’est lancé à la conquête des points stratégiques tenus par le Gouvernement libyen de l’Accord national (GNA) de Fayez Al-Sarraj. Après avoir pris le contrôle des grands champs pétroliers, l’ANL quitte le Sud et se dirige désormais vers Tripoli et Syrte. Des combats violents opposent depuis le 4 avril 2019 les deux chefs libyens autour de Tripoli.

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