Par Nael Madi
Dernière étape de la reconquête du pays par le maréchal Haftar
« Pour les héros de la nation, l’heure est venue. Nous avons rendez-vous pour la conquête de Tripoli ». C’est par ces mots que le maréchal Haftar a annoncé le début de son opération « Libérer Tripoli » le jeudi 4 avril. L’homme fort du Parlement de Tobrouk, soutenu par de puissants alliés et à la tête de l’autoproclamée Armée nationale libyenne, a fait de la reconquête de la Tripolitaine, la bataille finale pour la réunification du pays. Le général Haftar, soutenu par l’Egypte, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, la Russie mais aussi la France, avait débuté sa campagne dès 2014 pour libérer la Cyrénaïque de la présence de milices islamistes dont l’Etat islamique. Cette première victoire acquise difficilement a permis au gouvernement de Tobrouk de reprendre la main sur l’ensemble de la région dont Benghazi, chassant l’Etat islamique du pays au prix de combats sanglants. Le maréchal s’est élancé en mars dernier contre la région sud-ouest de la Libye, le Fezzan, zone contrôlée par une multitude de milices arabes, touaregs et tubus. Il a réussi à conquérir la région sans mener presque aucun combat, promettant aux milices un salaire et le droit de revêtir l’uniforme de l’ANL. La réalité de cette « emprise » est sujette à caution, seul l’avenir pourra démontrer si la loyauté de ces milices peut s’inscrire dans le temps long. La France et l’Italie ont chacune soutenu cette campagne militaire du maréchal Haftar dans une zone servant de repli à certaines organisations militaires islamistes combattues au Sahel et par où passent une partie des migrants en partance pour l’Europe au sein de réseaux de trafic humain bien organisés.
Point de situation sur les combats
Ainsi, l’offensive vers l’ouest du pays, dominé par le Gouvernement de l’Accord national reconnu par les Nations unies était attendue. Cependant, sa déclaration très rapide a surpris alors qu’il y seulement deux semaines le maréchal Haftar et le Premier ministre du GNA, Fayaz al-Sarraj, s’entretenaient à Abu Dhabi pour se mettre d’accord sur un calendrier de sortie de crise.
L’offensive « Libérer Tripoli » a été lancée jeudi par une intensive campagne médiatique du camp Haftar. En plus de ses déclarations résolument provocatrices, le maréchal a publié de nombreux documents montrant ses colonnes de blindés prendre la direction de Tripoli. Cette stratégie pose question car elle annihile tout effet de surprise. Les forces de l’ANL pourraient compter sur une force de 25 000 soldats et une puissante force de feu notamment aérienne.
Pris en étau à l’est et au sud, le GNA a annoncé l’état d’urgence au sein de la capitale libyenne et mis ses forces en état d’alerte. L’armée loyale compte une force presque équivalente au maréchal Haftar. Son armée est formée par une coalition de milices réunies au sein d’une coalition nommée Force de protection de Tripoli. Celle-ci peut se vanter de compter la puissante milice de Misrata, forte de 20 000 hommes et surtout très expérimentées au combat. Cette ville fut le cœur de l’insurrection militaire à Mouammar Kadhafi durant la révolution.
L’offensive a d’abord vu jeudi soir l’ANL avancé rapidement jusqu’à la capitale. Une de ses composantes a réussi à prendre le 4 avril au soir le « pont 27 » au GNA, un point de passage situé à 27 kilomètres de Tripoli. Cependant, ses forces ont été délogés dès le lendemain matin de cette position par la milice de la ville proche de Zawiya au prix de « légers accrochages » selon les observateurs.
Les combats se sont ensuite déportés au sud de la capitale libyenne. La situation reste confuse au niveau de l’aéroport de Tripoli. Les forces de l’ANL l’auraient conquis vendredi au soir mais de nombreuses sources évoquent une contre-offensive victorieuse de l’armée tripolitaine. L’intérêt stratégique de l’aéroport doit être relativisée, celui-ci ayant été réduit en miettes en 2014 lors de violents combats. Les combats continuent samedi après-midi dans cette région.
La milice de Misrata aurait conduit une opération aérienne contre un convoi de l’ANL samedi matin causant un nombre inconnu de victimes. En réponse, le maréchal Haftar vient de déclarer une zone d’exclusion aérienne sur l’ensemble de la Tripolitaine alors que l’armée de l’air du GNA se dite prête à frapper « l’envahisseur ».
Selon les déclarations du porte-parole de l’ALN, 50 de ses soldats auraient trouvé la mort depuis jeudi.