Par Naël Madi
Alors que les regards de la communauté internationale sont portés depuis plus d’un an sur le port d’Hodeïda, au cœur des accords de paix – non respectés – de Stockholm du 13 décembre dernier, un nouveau front s’est ouvert au nord.
Depuis le mois de janvier les forces Houthis affrontent, dans le gouvernorat d’Hajjah au sein de la localité d’Hajour qui rassemble de nombreux villages montagneux, des tribus zaïdites, obédience chiite identique à celle des houthis. Ces tribus étaient pendant longtemps demeurées neutres. Ce nouveau front au sein d’une zone réputée tenue par les Houthis rappelle la complexité de ce conflit et met à bas l’idée d’un règlement diplomatique autour d’une partition territoriale claire. En effet malgré une conquête éclair du nord du pays en 2014 et un socle populaire favorable, la domination des Houthis n’est pas totale.
L’équilibre qui régnait jusqu’alors dans la région, depuis un accord passé entre les chefs de tribus d’Hajour et la rébellion houthie en 2013, a volé en éclat en janvier, du fait d’un Casus belli : les Houthis se seraient rendus coupables d’incursions sur les territoires de ces tribus, et certains ont été arrêtés par les tribus locales. De plus, les tribus auraient installé de nombreux check-points sur les routes stratégiques de la région pour s’enrichir. Les Houthis ne peuvent se permettre d’une part de perdre le contrôle des autoroutes qui passent par la zone d’Hajour, et en particulier de celle reliant Amran à la côte, nécessaire pour assurer l’approvisionnement et de celle reliant la capitale des Houthis, Saada, à la capitale du Yémen, Sanaa. D’autre part, les Houthis craignent de voir se propager un vent de rébellion au sein des tribus du nord. Le gouvernement reconnu légitime et la coalition internationale menée par l’Arabie saoudite jouent veulent profiter de cette nouvelle division pour affaiblir le pouvoir Houthi.
Le Président Hadi a annoncé l’envoi de sept bataillons dans le gouvernorat d’Hajjah en février via la ville portuaire de Midi, encore contrôlée par son gouvernement. Un important cheikh salafiste de la région, Yahya al-Hajouri, a lui appelé au jihad l’ensemble des tribus sunnites locales contre les Houthis. Enfin la coalition saoudienne a lancé des raids aériens et assuré le largage de vivres et d’armes. L’ensemble de ces facteurs ont obligé les Houthis à une réponse rapide face à l’ampleur du danger. En effet, sans une assise incontestée sur le nord du pays, leur pouvoir est affaibli, eux qui jouent sur l’existence d’une acceptation de leur domination.
Profitant du plan de Stockholm exigeant le retrait de leurs forces du port d’Hodeïda, les Houthis les ont redéployées à Hajjah le 10 février et mènent depuis le siège de ces petits villages dans une guerre d’usure qui s’annonce longue. Ils ont notamment déployé leurs lance-roquettes Katyusha, marque de l’importance qu’ils accordent à ces combats.
Pour l’heure, les Houthis sont en position de force. Ils ont réussi à reconquérir certains villages et les routes ne sont pas coupées. Par ailleurs, l’insurrection ne s’est pas encore propagée aux tribus de la région qui semblent toujours vouloir respecter les accords les liant aux Houthis. Il s’agit d’un nouveau revers pour l’Arabie saoudite sur le terrain médiatique. Le royaume espérait instrumentaliser le combat de ces « irréductibles » petites communautés sunnites contre l’oppresseur iranien.