Le 24 janvier dernier, pour la première fois de son histoire, s’est déroulée en République démocratique du Congo une passation de pouvoir pacifique. Pays majeur d’Afrique centrale où les violences électorales sont fréquentes, celles qui ont eu lieu en décembre dernier en RDC ne sont pas exemptes d’incidents.
C’est par un scrutin uninominal à un tour que M. Félix Tshisekedi, candidat de la coalition « Cap pour le changement » (CACH) a été élu avec 38,57% des voix, devant la coalition d’opposition « Réveillez-vous » de Martin Fayulu (34,83%) et Emmanuel Ramazani Shadary (23,84%) ancien favori du président sortant Joseph Kabila. C’est précisément le soutien de ce dernier, au pouvoir depuis 2001 qui constitue le point de fixation de la contestation.
Alternance du pouvoir selon le modèle russe Poutine-Medvedev ? C’est tout du moins ce que semble penser l’opposition qui voit dans l’élection un « putsch électoral ». Parmi elle, la conférence épiscopale nationale des évêques congolais (CENCO) donne des résultats électoraux bien différents, créditant M. Fayulu à plus de 62% des voix contre 16,93% pour M. Tshisekedi. L’union africaine (UA) alors sous l’égide du Rwanda et de son président Paul Kagame avait quant à elle émise de sérieux doutes sur la régularité de l’élection du 30 décembre tandis que le conseil constitutionnel congolais validait le résultat le 20 janvier dernier.
En dépit des protestations, le pouvoir peut se targuer du soutien de Cyril Ramaphosa et de l’Afrique du Sud. Cette puissance régionale, deuxième fournisseur de la RDC derrière la Chine et principal point de transit du Cobalt congolais est connu pour son hostilité à toute forme d’ingérences impérialistes. Membre non-permanent du conseil de sécurité de l’ONU, elle a à cet égard empêché la tenue d’une réunion le 4 janvier dernier sur les élections en RDC, voulu par la France.
La position française a quant à elle été pour le moins fluctuante. Si elle a contesté la conformité des élections par l’intermédiaire de son ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, le président Emmanuel Macron n’en a pas moins félicité la transition pacifique du pouvoir dans une lettre au président Tshisekedi le 28 janvier dernier. Les deux hommes devraient se rencontrer le 14 mars prochain lors du One Planet Summit, un forum sur le climat qui se tiendra à Nairobi au Kenya, pour discuter notamment de la redynamisation des liens avec l’Union européenne, mais aussi de la levée des sanctions de l’UE à l’égard de certaines personnalités pro-Kabila.
L’ombre de l’ancien président ne demeure en effet jamais bien loin. À l’heure actuelle aucun gouvernement n’a encore été formé. C’est une coalition gouvernementale composée d’anciens partisans de Joseph Kabila du Front commun pour le Congo (FCC) et de partisans de Félix Tshisekedi qui a été décidée le 6 mars dernier. Malgré une passation de pouvoir relativement pacifique, la vérité des urnes demeure incertaine, et la communauté internationale peu prompte à en lever le doute.