par Gauthier Birkui
Les tensions entre l’Inde et le Pakistan ont atteint un niveau préoccupant cette semaine après qu’une frappe conduite par l’armée de l’air indienne a visé un camp d’entraînement du groupe terroriste Jaish-e-Mohammed (JeM), 80km derrière la ligne de contrôle (Line of Control ou LoC) indo-pakistanaise au Cachemire. Cette action a été décidée en réponse à l’attentat suicide de Pulwama revendiqué par JeM le 14 février dernier et qui a couté la vie à plus de quarante membres des forces paramilitaires indiennes. JeM est une organisation bien connue de l’Inde : créée au Pakistan avec le soutien de l’Inter Service Intelligence (ISI) pakistanais, proche d’Al-Qaïda et des talibans, elle a déjà ciblé le territoire indien plusieurs fois ces dernières années. L’Inde milite par ailleurs activement pour que son leader soit inscrit sur la « liste noire » de l’ONU contre le terrorisme.
En 2016, une attaque contre une base de l’armée indienne menée par un groupe non identifié qui avait fait 18 morts avait été suivie de frappes transfrontalières visant des camps supposément liés au terrorisme. Une réponse forte était donc attendue cette semaine de la part du gouvernement bien que des doutes aient plané sur sa forme, les élections générales au Parlement indien se tenant les mois prochains. Dans ce contexte, il est surprenant que douze Mirage 2000 des forces aériennes indiennes aient pu avancer aussi loin en territoire pakistanais, une première depuis la guerre de 1971, l’Inde ayant été très claire sur son intention de riposte.
Les évènements ont cependant tendu vers l’escalade lorsque des avions de chasse pakistanais (des F-16 ou des JF-17) ont conduit une attaque de l’autre côté de la LoC, l’Inde envoyant en réponse deux avions vers la ligne de contrôle, théâtre des combats aériens. Le Pakistan a alors annoncé avoir abattu deux avions indiens et capturé un pilote, New Delhi affirmant pour sa part avoir abattu un avion pakistanais, ce que le Pakistan a nié avant de reconnaître la disparition d’un pilote. Divers accrochages et bombardements de part et d’autres de la LoC ont également coûté la vie à une vingtaine de personnes.
Le Premier ministre pakistanais Imran Khan s’est cependant rapidement dit ouvert à engager la discussion avec son homologue indien pour éviter une aggravation du conflit entre les deux puissances nucléaires et a accepté de rendre le pilote captif. Divers acteurs se sont également manifestés pour appeler au calme, notamment l’UE, les Etats-Unis et la Chine, celle-ci étant une alliée proche du Pakistan et très présente économiquement dans la zone avec son projet de Corridor économique. Il semble donc que la dynamique guerrière soit désormais arrêtée, aucune des parties n’ayant intérêt à s’engager dans un conflit dont le coût pourrait s’avérer élevé. Narendra Modi doit maintenant ménager l’opinion publique de son pays, qui réagit toujours fortement aux tensions avec le Pakistan, alors qu’Imran Khan semble sortir vainqueur de ces deux dernières semaines, ayant réussi à mettre en place une réponse militaire rapide puis une désescalade de la situation.