Par Lucie Haigneré
Le président Trump a signé mardi 19 février la directive officialisant la création d’une Space Force relevant de l’US Air Force. Pour mieux appréhender les enjeux sous-jacents à ce développement majeur d’un secteur particulièrement stratégique, une recontextualisation s’impose.
Le 9 août 2018, le vice-président américain Mike Pence prononce un discours au Pentagone où il annonce la volonté de l’administration du président Trump de créer une Space Force (Force spatiale). À l’époque, la Space Force devait être une composante du Pentagone entièrement indépendante participant des forces armées américaines au même titre que l’Air Force, la Navy ou encore l’Army.
Le 3 octobre 2018, Todd Harrison – conseiller au think-tank CSIS sur le projet de sécurité spatiale -, défenseur de la création d’une Space Force en tant que sixième composante à part entière des forces armées des Etats-Unis justifiait le projet de Space Force dans un article publié sur le site du think-tank. Selon lui, seul un département entièrement consacré à la Space Force était en mesure d’intégrer toutes les organisations et tous les effectifs qui composent les agences de renseignement et les différentes unités des forces armées dédiées à la défense spatiale sous un commandement unifié, incarné en la personne du secrétaire à la Force Spatiale, en charge de la sécurité spatiale nationale. Ainsi, les conflits d’intérêts entre les différentes sections des forces armées qui intègrent les spécialistes de la défense spatiale seraient gommés au sein de la force spatiale unifiée, ce qui permettrait de créer un cadre solide et cohérent pour les professionnels travaillant à la défense spatiale; ceux-ci seraient alors en mesure de développer des stratégies, doctrines et politiques entièrement consacrées aux opérations militaires spatiales.
Allant à l’encontre de cette analyse, la directive (SPD-4) signée le mardi 19 février 2019 précise que la Space Force fera partie de l’USAir Force. Ce revirement s’explique, selon Kaitlyn Johnson, membre du CSIS au sein du département du projet de sécurité spatiale, par le fait que l’administration du président Trump souhaite s’assurer du soutien du Congrès qui doit voter une loi autorisant la création de cette Space Force.
La directive SPD-4 (février 2019) détaille les objectifs de cette Space Force, et rappelle dès son introduction que « l’espace est une dimension intégrale de notre mode de vie, de notre sécurité nationale et de la guerre moderne ». Elle pose également comme mission du département de la Défense le fait de proposer une loi pour créer une sixième branche des forces armées américaines sous le nom de US Space Force qui serait incorporée au département de l’US Air Force et aurait alors le statut d’organisation semi-indépendante.
Le mémorandum présenté mardi par le président Trump précise quelques aspects des responsabilités et des buts de cette Space Force. En termes de gouvernance, elle serait dirigée par un général quatre étoiles (au même titre que les autres forces armées), mais un civil désigné par le Président et approuvé par le Sénat dirigerait les opérations au sein du Département de la Défense en tant que Sous-secrétaire à la défense spatiale (sous le Secrétaire à l’Air Force). La Space Force porterait, entre autres, les responsabilités de conduire et de subvenir aux besoins des opérations spatiales ainsi que celle des dépenses militaires spatiales majeures. En outre, elle réunirait tous les effectifs et membres du personnel des différents organismes du Pentagone et des unités des forces armées travaillant à la défense spatiale. Le budget de la Space Force sera inclus dans la requête budgétaire du président Trump pour l’année fiscale 2020. À terme, le mémorandum précise que la Space Force a pour ambition de devenir une branche des forces armées à part entière, détachée du département de l’Air Force.
Le Congrès devra désormais approuver la proposition de loi qui découlera de la directive présidentielles, sachant que la Space Force a des partisans et des détracteurs des deux côtés politiques. Il est néanmoins à préciser que la création de l’US Space Command, un commandement de combat responsable de l’emploi et de l’utilisation des effectifs de la Space Force au cours d’opérations militaires, n’a pas besoin de l’aval du Congrès pour être opérationnel, contrairement à la Space Force, la Maison Blanche ayant officiellement donné son accord au Département de la Défense pour établir un nouveau commandement de combat indépendant.