Le secrétaire à la Défense par intérim Patrick Shanahan a effectué cette semaine une série de déplacements majeurs à l’étranger : en Afghanistan, en Irak, à Bruxelles pour une réunion des ministres de la Défense de l’Otan, et à Munich pour une conférence avec les principaux membres de la coalition anti-Daech. Nul doute que ses performances au cours de ces rencontres joueront un rôle déterminant dans la transformation éventuelle de son statut en Secrétariat de plein exercice.
De fait, la situation est inédite dans l’histoire du Pentagone car Patrick Shanahan est un ancien haut cadre de l’industrie de défense (Boeing en particulier) sans expérience militaire et sans grande aura politique, qui exerce le rôle de secrétaire à la Défense par intérim depuis le départ de James Mattis fin décembre. Cette situation est particulièrement singulière puisque seules deux personnes ont déjà servi comme secrétaire à la Défense par intérim, la dernière remontant à 1989. Il s’agissait de William H. Taft qui n’avait servi que deux mois sous Bush senior, ayant fait l’objet de débats, sa confirmation avait été refusée par le Sénat, conduisant à son remplacement par Dick Cheney, futur Vice-Président.
Outre ce caractère indéterminé de son statut de secrétaire à la Défense, Patrick Shanahan se distingue par son passé de haut cadre de l’industrie de défense, qui en fait un profil doublement atypique à la tête du Pentagone.
Or, le président Trump ne semble pas pressé de mettre un terme à cette configuration inédite, déclarant apprécier la « flexibilité » conférée par le statut non définitif du mandat de Shanahan, qui implique à la fois des marges de manœuvre réduites du secrétaire à la Défense vis-à-vis de la ligne présidentielle, et un moindre droit de regard du Sénat. Donald Trump compte également sur l’expérience de Shanahan dans le privé pour rationaliser les coûts et processus au sein du Pentagone. A contrario, cette expérience a été critiquée par certains, dont John McCain en 2017, comme susceptible d’engendrer des conflits d’intérêt.
Cette situation pourrait donc bien se prolonger, ce que confirment les propos du Président américain. Pour autant, il n’est pas certain qu’à terme, la nomination de Shanahan soit confirmée, c’est du moins l’avis de Jim Inhofe, le président du Senate Armed Services Committee, qui ne voit pas Patrick Shanahan devenir secrétaire à la Défense permanent.
Afghanistan : visite du Secrétaire à la Défense Patrick Shanahan
Lundi 11 février, le secrétaire à la Défense par intérim Patrick Shanahan s’est rendu sur le théâtre afghan pour une visite surprise. Ce déplacement intervient quelques jours après que Zalmay Khalilzad, représentant spécial de Washington pour la réconciliation en Afghanistan, a annoncé l’accord de principe conclu entre les Talibans et les Etats-Unis. Selon ce texte, les Talibans mettraient un terme à leurs attaques en contrepartie d’un retrait militaire américain. A cet égard, Patrick Shanahan a déclaré que l’administration américaine était en train d’évaluer quel volume de forces pouvait être désengagé tout en maintenant un certain équilibre qui exclut un retrait global. Le nombre de 7000 hommes, soit environ la moitié du dispositif américain sur le théâtre, avait été évoqué en décembre.
Pour autant, un tel retrait demeure suspendu à de nombreuses inconnues : les Talibans n’ont pour l’instant pas accepté de rencontrer le gouvernement afghan, condition majeure de l’accord, tandis que Washington entend s’assurer que le pays ne redevienne pas un terreau djihadiste susceptible de constituer une menace à sa sécurité. Enfin, le secrétaire à la Défense a assuré lors d’une réunion de l’Otan jeudi que tout plan de retrait des forces américaines d’Afghanistan ferait l’objet d’une coordination avec les alliés de Washington.
Par ailleurs, alors même que prennent place ces négociations, les frappes aériennes américaines en Afghanistan s’intensifient et atteignent même des sommets, puisque les aéronefs américains ont délivré plus d’armements en 2018 que les trois années précédentes, soit 7362 munitions.
Irak : visite du Secrétaire à la Défense Patrick Shanahan
Mardi 12, le secrétaire à la Défense par intérim Patrick Shanahan est arrivé à Bagdad pour sa première visite dans le pays, quelques jours après que le président Trump a déclaré vouloir y relocaliser les forces retirées de Syrie et faire du pays une plate-forme d’observation des mouvements iraniens. Au cours de sa visite, Patrick Shanahan a rencontré le Lieutenant General Paul LaCamera, commandant de l’opération Inherent Resolve ainsi que le nouveau premier Ministre irakien Adil Abdul-Mahdi. La rencontre avec ce dernier est particulièrement significative dans la mesure où Adil Abdul-Mahdi a longtemps entretenu des liens avec les groupes armés chiites ayant combattu Washington durant la guerre de 2003.
Patrick Shanahan, au cours d’un briefing avec des journalistes à l’issue de sa visite, a déclaré qu’elle avait été centrée sur le sujet de la souveraineté irakienne et de la contribution américaine au renforcement des capacités militaires nationales. La question politiquement sensible de la relocalisation des 2000 soldats américains de Syrie en Irak n’a pas été évoquée (5200 militaires américains sont déjà déployés dans le pays), sans toutefois que Patrick Shanahan ne récuse cette possibilité.
Selon Abbas Kadhim, directeur du programme sur l’Irak au sein du think-tank Atlantic Council, la Constitution irakienne de 2005, élaborée avec l’aide des Etats-Unis, interdit à l’Irak d’accueillir toute activité susceptible d’être vue comme belligérante par ses voisins, ce qui serait le cas de l’accueil de forces étrangères visant à contrer l’influence iranienne. Selon lui, l’acceptation de la relocalisation des forces américaines de Syrie en Irak est conditionnée à une stricte mission de lutte contre Daech.