Au Venezuela, les tensions s’intensifient entre le président Nicolas Maduro et Juan Guaido, président de l’Assemblée nationale qui s’est autoproclamé président par intérim le 23 janvier, revendiquant le départ du président en exercice et la tenue d’élections libres. Au plan militaire, l’armée vénézuélienne a organisé dans le nord du pays (Fort Paramacay) des manœuvres qu’a supervisées le président Maduro, tandis que de son côté, Juan Guaido tente d’exploiter les lignes de faille qui fissurent déjà l’appareil militaire en faisant distribuer des copies de sa loi d’amnistie destinée aux fonctionnaires et militaires acceptant de le rejoindre. De fait, si pour l’instant l’armée semble faire bloc en soutien au président Maduro, plusieurs épisodes de mutinerie vite réprimés ont montré que le gros des troupes souffrait des conditions de vie dégradées. Même au sein du haut de la hiérarchie militaire, les premiers craquements se font sentir, comme en témoigne le soutien apporté à Juan Guaido par le colonel José Luis Silva, attaché de défense vénézuélien à Washington. Une nouvelle étape pourrait avoir été franchie puisque, selon Reuters, le général Francisco Yanez, en charge de la planification stratégique de l’armée de l’air, aurait annoncé dans une vidéo diffusée sur Twitter sa reconnaissance de la légitimité de Juan Guaido et exhorté ses pairs à retirer leur soutien au président Maduro.
De fait, alors que l’armée, en particulier la Garde nationale, avait joué un rôle majeur dans la répression des manifestations durant les précédents épisodes de protestation populaire contre le régime en place (notamment en 2017), la confiance que lui accordait le président Maduro semble s’être érodée. La Garde nationale a ainsi connu plusieurs cas limités de mutinerie, qui peuvent s’expliquer par l’inflation exponentielle qui affecte le pays, rendant quasi nulle la solde que touchent les membres de la Garde nationale. Cette évolution se traduit par le recours à une nouvelle unité spéciale de la police, appelée FAES (Special Action Force). Selon le New York Times, cette unité serait à l’origine de raids, principalement nocturnes, qui se seraient soldés par une quarantaine d’exécutions d’opposants, en particulier dans des quartiers défavorisés, jusqu’ici plutôt favorables au régime. Elle serait même impliquée dans une tentative d’intimidation à l’encontre de la famille de Juan Guaido, l’obligeant à quitter précipitamment un meeting politique.
Dans ce contexte, les Etats-Unis ont vigoureusement affirmé leur soutien à Juan Guaido et multiplié les critiques à l’encontre du régime du président Maduro. Au-delà de la rhétorique, le Conseiller à la sécurité nationale John Bolton a annoncé que des sanctions seraient imposées à l’encontre de l’entreprise pétrolière d’Etat Petroleos de Venezuela (PDVSA) qui devraient porter sur sept Mds$ d’actifs économiques et dont l’impact est évalué par le Wall Street Journal à 11Mds$.
De fait, le président Trump a rappelé que « toutes les options étaient sur la table ». Or, les spéculations quant à une potentielle option militaire ont été relancées après que John Bolton a été vu portant des notes faisant référence au déploiement de 5000 soldats en Colombie, permettant de mieux saisir les modalités que pourrait revêtir une éventuelle option militaire. De son côté, le Pentagone reste muet quant à cette perspective, le Secrétaire à la Défense par intérim Patrick Shanahan, se contentant de déclarer que la situation au Venezuela faisait l’objet d’un suivi attentif de la part du Département de la Défense, sans infirmer ni confirmer le déploiement de forces américaines en Colombie.
A cet égard, l’amiral Stavridis, ancien commandant du Southern Command, a mis en exergue les risques catastrophiques d’une intervention militaire américaine au Venezuela, préconisant, du moins à ce stade, un recours accru à des solutions économico-financières (durcissement du régime de sanctions), diplomatiques et politiques (pression en vue de faire reconnaître la légitimité de Juan Guaido par l’ensemble des Etats démocratiques ; négociations avec Pékin et Moscou) . Si une intervention militaire devait avoir lieu, il suggère qu’elle soit plutôt le fait d’une force internationale de maintien de la paix.