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Traité FNI: Suspension des engagements russes et américains
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Samedi 2 Février, la Fédération de Russie a annoncé qu’elle ne respecterait plus ses engagements pris dans le cadre du Traité sur les Forces Nucléaires de portée Intermédiaires (FNI). Vladimir Poutine s’est entretenu avec le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, et le ministre des Affaires Étrangères, Sergueï Lavrov. Il leur a notifié la suspension des obligations russes en matière de désarmement. Cette décision, qui semblait de plus en plus inéluctable, est une réponse symétrique à l’inertie et au chantage américain, qui rythment les négociations sur le Traité FNI depuis le 2 Décembre 2018. En effet, Washington avait sommé Moscou d’apporter des éléments de clarification sur le missile de croisière sol-sol 9 M729 Novator, dans un délai de deux mois, sans quoi quoi elle se retirerait du Traité.

 

Face à l’impasse politique, c’est exactement au terme de ce délai que la Russie a décidé de rompre ses engagements.

Le Novator a été développé en 2003, après le processus d’élimination vérifié des missiles américains et soviétiques concernés par le Traité FNI.Son développement répondait à un impératif industriel (consolidation du complexe militaro-industriel, ouverture, maîtrise des savoirs faire ) et d’adaptation face à la potentielle menace des missiles disposés au flanc sud et est de la Russie. D’ailleurs la possibilité d’étendre le traité à des tiers avait déjà été envisagée par Moscou et Washington, sans résultat. Sous l’ère Obama, les américains avait commencé à constituer un dossier sur le cas du missile Novator, afin de confirmer la violation russe. En 2018, Washington a déclaré en avoir la preuve, justifiant en surface sa volonté de retrait.

 

Les Russes, en réponse, ont accusé à leur tour les États Unis de violer le Traité FNI, notamment lors d’essais d’intercepteurs antimissile à l’aide de missiles interdit par le Traité. Ainsi, à mesure que le temps du dialogue s’écoulait, les deux Etats n’ont cessé de se renvoyer la balle, refusant d’être tenus pour responsables de la désuétude du traité FNI. Paradoxalement, Washington n’a jamais fait preuve d’une ferme volonté d’assurer la survie du Traité, et les russes, accusés d’en violer les dispositions, ont tardé à apporter les éléments de clarification, au demeurant insuffisants.

 

En effet, à la suite de plusieurs réunions russo-américaines infructueuses, Moscou avait fait un pas en avant, en présentant la semaine dernière son missile à la presse et à des Généraux, afin d’entériner les suspicions américaines et européennes. Le Kremlin avait notamment déclaré que le missile disposait d’une portée de 480 km, et qu’il demeurait donc au seuil du champ d’application du Traité. Cette déclaration n’étant pas étayée par des preuves tangibles, elle n’avait su rassurer les Américains, absents de la présentation. Évidemment, pour les Russes cela témoignait d’un manque de volonté quant à la survie du Traité. Côté américain, la décision de retrait était en fait déjà prise. Ainsi, le 31 Janvier, à Bruxelles, la sous secrétaire d’État américaine au contrôle des armements, Andrea Thompson, a confirmé la décision du désengagement.

 

Les États Unis s’inquiètent depuis longtemps de développement frénétique de missiles balistiques et de croisières chinois, dans l’ignorance de l’architecture de sécurité. La crainte d’un déséquilibre militaire et de l’ascendant technologique justifient largement la décision de retrait, ainsi que la volonté américaine de renforcer sa présence militaire en Asie. La Chine disposerait aujourd’hui d’un arsenal d’environ 2000 missiles dont 80 % seraient prohibés par le Traité FNI.

 

Également préoccupée par le développement d’armes stratégiques développées par Pékin, la Russie avait d’ailleurs proposé il y a un mois d’étendre le Traité à des États du seuil. Cette proposition était restée lettre morte. Si la décision de désengagement a été notifiée par les deux États, le Traité dispose d’une clause de retrait de 6 mois, avant l’entrée en vigueur de la décision, en Août 2019. Il n’est pas exclu qu’une reprise de dialogue voie le jour, bien que la confiance russo-américaine s’en trouve davantage fragilisée. Vladimir Poutine a déclaré que la Russie ne prendrait plus d’initiative concernant le dialogue sur le désarmement, invitant implicitement les Etats Unis à le faire dans les 6 mois à venir.

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