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Maroc : le Pacte sur les migrations approuvé par 160 Etats réunis à Marrakech
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Maroc : le Pacte sur les migrations approuvé par 160 Etats réunis à Marrakech

Par Matthieu de Ramecourt

 

 

Réunis à Marrakech ces 10 et 11 décembre, les représentants de quelques 160 États (sur les 193 représentés à l’Organisation des Nations Unies) ont formellement approuvé le « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ».

 

Ce document, devant être officiellement ratifié au siège de l’ONU le 19 décembre prochain, est la suite programmée de la Déclaration de New York sur les réfugiés et migrants, adopté en 2016 à l’ONU. Deux ans de consultations multilatérales ont été nécessaires à l’élaboration d’un tel texte, mobilisant la plupart des États onusiens à l’exception notable des États-Unis et d’une quinzaine d’autres États (Autriche, Australie, Bulgarie, Chili, Estonie, Hongrie, Italie, République tchèque, République dominicaine, Lettonie, Pologne, Slovaquie, Slovénie et Suisse). Le Brésil a également annoncé son intention de se « dissocier » du pacte, le président élu Jair Bolsonaro entrant en fonction le 1er janvier 2019.

 

Sur la forme, le préambule du Pacte annonce que celui-ci est « un cadre de coopération juridiquement non contraignant » (point n°7). En ce sens, il vise à l’élaboration d’une gestion coordonnée par la communauté internationale de la question migratoire, sans créer d’obligations juridiques pour ses signataires. Les propositions de ce texte suivent la logique de la promotion de « bonnes pratiques », promotion relativement classique dans le corpus juridique de l’ONU. Les initiatives étatiques, en termes de collaboration, d’échange d’informations, et de lutte contre les trafics illégaux, font l’objet d’un suivi via une conférence internationale se réunissant tous les quatre ans.

 

Contrairement à l’idée reçue au sein d’une partie de l’opinion publique, le texte réaffirme clairement le respect de la souveraineté nationale. Le troisième principe directeur (point n°15, après « la priorité à la dimension humaine », et la « coopération internationale ») réaffirme « le droit souverain des États de définir leurs politiques migratoires nationales et leur droit de gérer les migrations relevant de leur compétence ».

 

Sur le fond, le texte est, sans surprise de la part d’un Pacte onusien, profondément humaniste et universaliste. Il ne s’intéresse qu’à la gestion de l’immigration et non celle des réfugiés, ces derniers devant faire l’objet d’un second pacte lui aussi prévu par la déclaration de New York de 2016. Le « Pacte de Marrakech » s’attaque à trois sujets distincts : les causes de l’immigration, la protection des droits humains et l’immigré, et la lutte contre l’immigration illégale. Concernant le premier point, il dénonce un large panel de causes provoquant la migration de populations (guerres, environnement, développement économique), et appelle la communauté internationale à la coopération pour les limiter. Les droits humains sont également mis en avant, tant sur le sol des Etats de transits, que dans les Etats de destination. Les mesures prônées dans ce cadre sont les principales sources de contestation de la part de l’opposition au texte. Enfin, la lutte contre l’immigration illégale est quant à elle largement traitée. Le Pacte promeut des mesures de coopération, principalement contre le trafic illégal et le traité d’êtres humains.

 

Malgré l’engagement préalable de l’immense majorité des Etats onusiens, plusieurs Etats ont renoncé à se rendre à Marrakech cette semaine. Cette absence ne modifie fondamentalement pas la situation, le Pacte ne s’ouvrant à la ratification que la semaine prochaine. Les opposants contestent principalement le fond, à savoir l’engagement moral relatif au respect du principe de dignité humaine des migrants. Sans surprise, l’opposition vient exclusivement des Etats de destinations, comme l’Italie, la Hongrie, l’Australie, l’Autriche, la Suisse et bien évidemment les Etats-Unis. Ces derniers dénoncent en effet les objectifs d’intégration des migrants (point n°32), d’évolution du débat public en leur faveur (point n°33), prônés par le texte. En d’autres termes, cette opposition dénonce principalement les mesures visant à favoriser les migrants, vu comme un appel à la migration.

 

En France, malgré l’opposition d’une partie de la classe politique (RN et LR), la vision diplomatique est particulièrement mise en avant par le ministère des Affaires étrangères. L’approche multilatérale du texte et la promotion de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (adopté au Palais de Chaillot en 1948), servent en effet à merveille l’influence internationale française.

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