Par Cyrille Bricout
Le 28 novembre dernier, le vice-chancelier allemand Olaf Scholz a publiquement suggéré que la France pourrait céder son siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies à l’Union Européenne.
Les propositions de réforme du Conseil de sécurité – en particulier au sujet de sa composition – se multiplient depuis des années, sans qu’aucune mesure n’ait jamais été prise. En 2005, notamment, le groupe du G4 – Allemagne, Japon, Inde et Brésil – avait présenté un projet prévoyant la création de six nouveaux sièges de membre permanent, et quatre de membre non permanent. Le nombre de membres du Conseil de sécurité se serait ainsi élevé de 15 à 25.
Concomitamment, Kofi Annan, alors Secrétaire général des Nations Unies, avait élaboré une proposition prévoyant la création d’une catégorie de membres “semi-permanents” élus pour un mandat de quatre ans – contre deux ans pour les membres non permanents. Fin septembre 2018, le G4 avait à nouveau réclamé d’urgence une réforme du Conseil de sécurité qui, selon eux, “ne reflète pas l’évolution de la réalité mondiale”.
La France et le Mexique sont également favorables à une réforme du droit de veto des membres permanents, dont l’emploi par la Russie a par exemple empêché toute interposition armée des Nations Unies en Syrie.
Néanmoins, deux obstacles majeurs s’opposent à la proposition de M. Scholz. L’une est politique, l’autre, plus générale en ce qu’elle touche toute tentative de réforme, est juridique.
D’une part, transférer à l’UE le siège de membre permanent de la France suppose que l’Union Européenne ait préalablement construit une politique extérieure suffisamment unie, en particulier sur le plan diplomatique. Or, les exhortations toutes récentes du Président de la République française Emmanuel Macron et de la chancelière allemande Angela Merkel en faveur de la constitution d’une armée européenne, la préférence de la Belgique pour les F-35 américains plutôt que des appareils européens, ou encore les fortes tensions générées par la question migratoire sont autant d’avatars du manque de maturité du projet européen en matière de défense et de diplomatie.
D’autre part, une réforme en profondeur du Conseil de sécurité de l’ONU nécessiterait un amendement à la Charte des Nations Unies. Or, les possibilités offertes par les articles 108 et 109 suspendent la prise d’effet d’une telle modification à l’accord unanime des membres permanents du Conseil de sécurité. L’article 108 énonce ainsi : “Les amendements à la présente Charte entreront en vigueur pour tous les Membres des Nations Unies quand ils auront été adoptés à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée générale et ratifiés, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des Membres de l’Organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité”, quand l’article 109 stipule en son deuxième paragraphe : “Toute modification à la présente Charte recommandée par la conférence à la majorité des deux tiers prendra effet lorsqu’elle aura été ratifiée, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des Membres des Nations Unies, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité”.
Pour ces deux raisons, l’hypothèse soulevée par M. Scholz est improbable ; à cause de la seconde, une réforme du Conseil de sécurité – si pertinente voire nécessaire qu’elle soit – risque de rester encore longtemps à l’état de revendication.