Par Camille de la Rochère
Plus tôt ce mois-ci, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève a adopté une résolution visant à prolonger le mandat d’une enquête sur l’exacerbation de la crise multidimensionnelle qui gangrène le Burundi depuis maintenant plus de trois ans.
Déjà en 2015, aux prémices de l’enquête, la qualification de ces actes en crime contre l’humanité était fortement envisagée par l’Onu. Le message était clair: le gouvernement burundais ne pouvait dès lors plus nier que son appareil de sécurité tolère des exécutions sommaires, des disparitions forcées, des détentions arbitraires, des viols, des actes de torture et des assassinats ciblés pour faire taire ses opposants.
Pays enclavé de la région des Grands Lacs d’Afrique de l’Est, limitrophe de la République Démocratique du Congo, du Rwanda et la Tanzanie, le Burundi a souffert des conséquences du génocide rwandais et pâtit également des tensions ethniques entre Hutu et Tutsi. Depuis l’indépendance en 1962, l’histoire du pays est caractérisée par des grandes vagues d’instabilité et de violences politiques entre coups d’Etat, assassinats et parti unique au pouvoir. Les plaies héritées des campagnes de nettoyage ethnique et des guerres civiles des années 1970 et 1990 ne sont pas encore cicatrisées et le pays en porte encore les stigmates aujourd’hui.
Depuis 2015 et l’élection de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat à la Présidence de la République, le pays n’a fait que sombrer davantage dans l’autoritarisme. Dans un climat d’impunité généralisée où la répression intérieure ne connaît aucune limite, le pays souffre d’une véritable hémorragie démographique : plus de 400 000 personnes se sont réfugiées dans les pays voisins, soit 4% de la population totale du pays.
Comment la communauté internationale se positionne-t-elle ? Si l’indifférence à l’égard du sort de la population burundaise lui a été reprochée, notamment au plus fort de la crise en 2015, le Burundi n’a de cesse de vouloir se dérober à son regard. En octobre 2016, le conseiller du président, selon qui les enquêteurs de l’Onu sont des “mercenaires”, érigeait la Cour pénale internationale (CPI) en “instrument dans les mains de l’Occident destiné à asservir les Etats Africains”. Un an après, le Burundi devient le premier Etat à s’être retiré du Statut de Rome de la CPI dont l’une des visées était le renforcement de la protection des droits humains et du droit international humanitaire dans le cas d’un conflit armé, et plus particulièrement dans un Etat défaillant. Cela s’accompagne d’une hostilité croissante à l’égard des enquêtes des Nations Unies: le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), chargé de surveiller la crise burundaise, n’a pas été en mesure de mener à bien ses travaux dans le pays, ses membres se faisant refuser des visas et déclarés personae non gratae par le gouvernement.
En ce mois d’octobre 2018, les relations entre le gouvernement burundais et la communauté internationale se sont fortement dégradées. Le 23 octobre, le gouvernement annonçait son refus de participer à la dernière session du dialogue de sortie de crise organisée par la Commission d’enquête des Nations unies à partir du 24 octobre en Tanzanie. La réaction de l’Union européenne ne s’est pas fait attendre puisqu’elle décrétait dans la foulée le prolongement des sanctions qu’elle avait prise à l’encontre du pays jusqu’à octobre 2019. Les mesures en question concernent 4 hauts responsables burundais dont les activités sont considérées comme pouvant porter atteinte à la démocratie et à la recherche d’une solution pacifique de sortie de crise. Interdits de territoire européen, leurs avoirs sont également gelés.