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Exercices militaires « Vostok 2018 » – Que cherche la Russie à sa frontière orientale ?
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Exercices militaires « Vostok 2018 » – Que cherche la Russie à sa frontière orientale ?

Par Suzanne Kaltenbach

 

L’édition 2018 des traditionnels exercices militaires russes « Vostok » (« Est ») se tiendra du 11 au 15 Septembre 2018. Le premier trait qui distingue cette édition des précédentes est son envergure : selon les sources russes, une partie conséquente de la flotte, l’aviation et des forces terrestres russes seraient mobilisés, soit près de 300 000 hommes au total.

 

Le chiffre annoncé par la Russie est toutefois à prendre avec précaution : à titre de comparaison, la Russie avait lors des exercices « Zapad  2017 » (« Ouest » ou « Occident ») déclaré la participation d’environ 13 000 hommes, de façon à ne pas dépasser le seuil qui l’aurait obligé à annoncer la tenue des manœuvres et à inviter des observateurs extérieurs. Les observateurs extérieurs allaient jusqu’à annoncer le chiffre de 100 000. A la suite de « Zapad 2017 », la Pologne avait demandé l’augmentation des effectifs de l’OTAN stationnés en Pologne et créé une division militaire supplémentaire à l’Est du pays. L’ampleur de « Vostok 2018 » n’est donc pas à sous estimer.

 

Malgré le nom de l’exercice, la Russie a certainement conscience de l’attention portée à ces manœuvres par l’Europe et les Etats-Unis : dans une référence directe à la guerre froide, Sergei Shoigu, le ministre de la défense russe, a rappelé lors d’une conférence de presse que « Vostok 2018 » était le plus grand exercice militaire effectué par la Russie depuis « Zapad 1981 ». Krasanaia Zvezda, journal de l’armée russe, a également comparé cet exercice à ceux conduits jadis par l’armée soviétique. Peut-être une façon de dire qu’après des années de disette et de désorganisation suivant la chute de l’URSS, l’armée russe opérait un « retour à la normale ».

 

 « Vostok 2018 », qui se tiendra dans la partie Orientale de la Russie, près de la frontière Sino-Russe, révèle cependant aussi une volonté de la Russie d’asseoir son influence dans le Pacifique. Il faut en particulier noter la présence de forces mongoles et surtout, chinoises, une première depuis 2005. Il s’agit pour la Russie de montrer ses dernières innovations en termes de matériel et de tactique à une Chine qui commence à se détourner de l’industrie d’armement russe pour développer ses propres armes (en particulier dans le domaine aérospatial).

 

L’exercice peut être compris plus généralement comme une démonstration de la modernisation de l’armée russe dans la continuité de ce que l’on a pu voir en Ukraine et en Syrie. Début septembre, la Russie a ainsi diffusé des vidéos montrant sa capacité à opérer des frappes chirurgicales dans la province syrienne d’Idlib.

 

La Chine a donc un intérêt à bénéficier de l’expérience russe, en particulier en matière de combat asymétrique et de conflit non conventionnel impliquant des civils. Le pays a par exemple récemment renforcé sa présence militaire dans la région autonome du Xinjiang à cause de tensions avec l’importante population Ouïghour, majoritairement musulmane et pourrait avoir besoin de l’expertise russe pour gérer ses tensions internes. Ainsi, si les autorités russes n’ont pas donné de détails sur le scénario de l’exercice ou la nature de « l’ennemi », il y a fort à parier qu’une partie de l’exercice sera consacré aux menaces non conventionnelles.

 

Ces manœuvres ne sont pas cependant un simple exercice de séduction destiné à la Chine. En parallèle des exercices se tiendra le quatrième forum économique oriental de Vladivostok ou le premier ministre japonais Shinzo Abe rencontrera Vladimir Poutine, et ce malgré la tension persistante entre les deux pays autour des îles Kouriles. Si Kim-Jong-Un a déclaré ne pas pouvoir s’y rendre, une délégation Nord Coréenne sera cependant également présente au forum. Valentina Mativenko, présidente de la chambre haute du parlement russe, vient d’ailleurs de rencontrer Kim Jong Un et d’annoncer l’organisation prochaine d’une rencontre entre les chefs d’Etat des deux pays, affichant la volonté de la Russie de jouer un rôle dans le dialogue Coréen.

 

L’accroissement de l’activité diplomatique et militaire Russe dans la région pourrait donc également être lue comme un pari sur le besoin du Japon et des deux Corées de trouver un contrepoids à la puissance Chinoise.

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