Par Xavier Marié
Conformément aux dispositions annoncées dans la nouvelle stratégie américaine pour l’Afghanistan, Washington souhaite voir un renforcement de l’action du Pakistan, identifié, à juste titre, comme un acteur majeur dans la lutte contre les mouvements islamistes en Afghanistan, en particulier les Taliban et le réseau Haqqani. Les Etats-Unis et le Pakistan entretiennent des relations complexes du fait des liens ambigus entre les autorités d’Islamabad et certains groupes islamistes, Washington accusant Islamabad d’adopter un traitement différencié selon les groupes et critiquant la distorsion entre le discours et les actes des autorités pakistanaises. Par ailleurs, il existe de longue date des liens forts entre les services de renseignement pakistanais, en particulier le très puissant ISI (Inter-Services Intelligence), et les mouvements taleb.
Dernier épisode en date de cette relation bilatérale mouvementée, le Pentagone a annoncé l’annulation d’une aide militaire de 300 millions de dollars au Pakistan (Coalition Support Fund). Il s’agit pour Washington de traduire son mécontentement devant ce que les Etats-Unis considèrent comme un défaut d’engagement d’Islamabad dans le soutien de la stratégie contre-terroriste américaine en Afghanistan et en vue d’une stabilisation politique du pays.
Une semaine après cette décision, le CJCS Joseph Dunford et le Secrétaire d’Etat Mike Pompeo ont effectué une visite au Pakistan, dont l’objet était de persuader Islamabad de renforcer son action contre les réseaux terroristes qui conduisent des attaques en Afghanistan depuis le Pakistan. Cette visite, durant laquelle ils ont rencontré leurs homologues indiens, revêtait une importance particulière dans le contexte de l’élection récente du nouveau Premier ministre, Imran Khan.
Se pose désormais la question de la réponse pakistanaise à la suspension de l’aide militaire américaine, Islamabad disposant d’un levier de pression significatif consistant dans l’accès aux routes d’approvisionnement des forces américaines, qui passent par le Pakistan. Ces routes, connues sous le nom de GLOCs (Ground Lines of Communications) constituent la voie la plus économique pour l’approvisionnement de la coalition, et sont empruntées pour le transit de 40% à 50% de la logistique destinée aux forces. Le CJCS Dunford a néanmoins déclaré qu’il était peu probable que le Pakistan fasse usage de ce levier, comme cela avait été le cas en 2011 suite à une frappe de la coalition ayant entraîné la mort de 26 soldats pakistanais.