Les États-Unis pourraient décider de réévaluer leur stratégie en Afghanistan alors que le président Trump a accepté l’année dernière de prolonger la présence américaine dans le pays tout en en redéfinissant les modalités, et ce malgré son opposition à ce qui est désormais la guerre la plus longue menée par les États-Unis (17 ans et environ 1900 soldats américains tués). La décision de prolonger la présence américaine devait éviter de créer un vide stratégique et politique que viendraient combler des groupes terroristes divers, en particulier Al-Qaïda ou Daech, mais pas seulement. Le nombre de soldats américains déployés dans la région a progressé d’environ 3000 hommes, (atteignant ainsi environ 15 000). Une attention particulière est portée aux missions de formation et d’entraînement visant à autonomiser les forces afghanes, tandis que les opérations aériennes dans le pays se sont largement intensifiées, visant en particulier les réseaux de narcotrafic afin de tarir les sources de financement des Taliban – en témoignent l’accroissement très significatif à la fois du nombre de munitions tirées par les aéronefs américains. Dans le même esprit, les Etats-Unis travaillent à faire monter en puissance les capacités aériennes des forces de sécurité et de défense afghanes. Le but était de forcer les Taliban à négocier la paix avec le gouvernement. Mais un an après cette décision, la situation au sein de la république islamique est loin de s’être améliorée : les Taliban, malgré leur incapacité à s’emparer de grandes villes, occupent de manière croissante les campagnes et ce sont les civils qui paient le prix de la guerre.
Une réévaluation de cette stratégie américaine pourrait, d’après des hauts fonctionnaires américains, être demandée par la Maison-Blanche dans les prochains mois. Ces réévaluations sont régulières et ne signifient pas que la stratégie fondamentale pour l’Afghanistan sera réévaluée (elle l’a été en août dernier). Elle devrait cependant examiner les progrès accomplis depuis l’été dernier, l’état des forces américaines, les perspectives de négociation avec les Taliban ainsi que la place occupée par le Pakistan, accusé de soutenir les rebelles. Si cette évaluation montre que les conditions sur place ne se sont pas du tout améliorées, Donald Trump pourrait, une nouvelle fois, remettre en question l’engagement américain, d’autant que sa stratégie présentée en août dernier privilégie une approche fondée sur les conditions et les résultats (remplaçant une approche temporelle). Mais le Secrétaire d’Etat Mike Pompeo, en visite surprise en Afghanistan lundi dernier a soutenu que la stratégie adoptée l’année dernière fonctionnait. Il a aussi tenu à réitérer le soutien américain au Président Ashraf Ghani et à sa volonté de commencer les négociations de paix avec les insurgés. Cependant, les Etats-Unis ne feront que « soutenir, faciliter et participer à ces discussions » et que ces dernières seraient « menées et contrôlées par les Afghans ».
Afin de renouveler l’approche américaine, le fondateur de la société de défense et de sécurité privée Blackwater Erik Prince (frère de l’actuelle Secrétaire à l’Éducation Betsy Devos) propose, dans une vidéo diffusée sur Youtube, de confier la responsabilité des opérations américaines en Afghanistan à 6000 mercenaires associés à des agents de la CIA et aux forces spéciales. Une approche non-conventionnelle et à plus petite échelle qui permettrait selon lui de réussir là où le Pentagone a échoué pendant 17 ans, avec toujours la même méthode de guerre conventionnelle qu’il qualifie d’« imprudente et d’irresponsable ». Ce n’est pas la première fois que Prince propose ses services à Trump mais ces derniers ont été systématiquement rejetés par les hauts fonctionnaires de l’administration.
Ces développements s’inscrivent dans un contexte opérationnel très dense. Le 7 juillet, le corporal Joseph Maciel a été tué dans le district de Tarin Kowt en Afghanistan et deux autres soldats ont été blessés lors de l’attaque (l’un d’entre eux n’a pas survécu à ses blessures). Il s’agissait vraisemblablement d’une attaque émanant d’un Taliban infiltré dans les rangs afghans. Le 8 juillet, les forces spéciales afghanes, soutenues par les forces spéciales et des frappes aériennes américaines ont repris la ville de Gargari dans le district de Deh Bala à l’est de l’Afghanistan (province de Nangarhar). Cette ville était occupée par des combattants de l’État Islamique (« des Russes, des Tchétchènes, des Tadjiks, des Ouzbeks, des Arabes et principalement des Pakistanais » d’après un chef de tribu local) qui essayaient d’y établir leur capitale locale. 167 d’entre eux furent tués lors de l’opération, commencée à la fin mai mais aucune victime n’est à déplorer dans les rangs afghans et américains. Ce type d’opérations contre les groupes terroristes de la région est menée par les États-Unis aux côtés de l’opération Resolute Support de l’Otan lancée en janvier 2015 à laquelle les Etats-Unis participent également (à hauteur de près de 7000 hommes).
Cette intensification du tempo opérationnel se traduit par le fait que plus de 150 tonnes de matériel ont été larguées par l’US Air Force au-dessus de l’Afghanistan depuis le début de l’année (contre 15 tonnes sur toute l’année dernière) et tout particulièrement ces deux derniers mois. Ce chiffre témoigne de l’amplification des opérations afghanes et américaines contre les Taliban afin de les pousser à négocier avec le gouvernement. Des experts ont noté la corrélation entre l’augmentation de ces parachutages à des avant-postes et l’arrivée d’une nouvelle unité de conseil et de formation (Security Force Assistance Brigade) auprès des forces locales ainsi que l’intensification de l’activité insurgée le long d’axes routiers majeurs, ce qui doit gêner l’approvisionnement par voie terrestre. Cependant, aucune déclaration officielle n’a été fournie pour expliquer cette augmentation et aucun détail n’a été donné quant à la nature de l’équipement largué.