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Le déséquilibre stratégique : Donald Trump et Twitter
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Par Jean Galvé

 

Le mardi 13 mars, Donald Trump a limogé son Secrétaire d’Etat Rex Tillerson pour nommer à sa place l’ancien chef de la CIA Mike Pompeo. Dans le cortège de procédures enfreintes et de courtoisies bafouées qui a récemment accompagné les méthodes du président américain, la prononciation de ce limogeage restera fameuse : le principal intéressé aurait appris qu’il quittait ses fonctions via un message Twitter, en même temps que l’ensemble de la planète.

 

Les tweets de Donald Trump constituent le plus souvent un médium de déstabilisation à travers lequel le président menace l’Iran, promet de détruire la Corée du Nord, ou couvre d’anathèmes l’ancien patron du FBI James Comey.

 

L’usage de ce canal est une nouveauté dans les relations internationales : un tweet n’ouvre aucun dialogue, fût-il confidentiel, mais entérine bien plutôt une prise de position condensée au maximum devant des millions d’usagers ; l’homme le plus puissant du monde assène alors une vérité qui ne saurait être contestée ni à l’intérieur ni à l’extérieur du pays.

 

Si certains des messages publiés sur son compte suivi par plus de 49 millions de personnes peuvent prêter à rire, d’autres tiennent une place d’honneur dans le jeu des puissances. L’usage de ce canal répond dès lors à un objectif stratégique : l’incertitude devient l’élément fondateur d’un système qui progressivement évince les codes diplomatiques et les politesses rassurantes.

 

En faisant le pari d’un imprévisible toujours engagé, Donald Trump redonne du crédit à la menace américaine. La politique de la « ligne rouge » de Barack Obama s’était parfois trouvée bafouée sans qu’aucune épreuve de force ne s’ensuive ; les déclarations impétueuses de Donald Trump ont depuis inscrit la politique de prudence démocrate dans les obituaires, au grand soulagement de certains alliés des Etats-Unis, qui avaient craint une démonétisation de la protection américaine.

 

Face à des puissances qui ont renoncé au multilatéralisme au profit d’une défense sans concessions d’intérêts qu’elles considèrent vitaux, le président Trump brise l’image policée d’une démocratie trop sage. S’il peut se permettre de rencontrer Kim Jong-Un pour un sommet historique, c’est parce que sa menace de destruction totale est – vu le personnage – loin d’être loufoque.

 

C’est tout le paradoxe : pour que la démocratie américaine demeure crédible, elle doit signifier qu’elle est prête à frapper fort et vite, même si elle est par principe réticente à se montrer agressive.

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