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Attaque de grande ampleur au Niger
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Dimanche a pris fin, au Niger, un deuil national de trois jours, décrété pour se recueillir suite à l’offensive la plus meurtrière que le pays ait connue depuis 2015. Au lendemain de l’attaque du poste d’Agando, le 9 décembre, faisant dix-sept morts, c’est cette fois-ci la garnison d’Inates qui a été prise d’assaut. Le bilan fait état de soixante-et-onze soldats nigériens décédés, douze blessés, de nombreux disparus et une soixantaine d’assaillants neutralisés. Sombre saison pour la région : au Mali, ce sont près de cent-cinquante militaires qui ont perdu la vie au combat durant l’automne. A quelques jours de la rencontre de Pau (entre Emmanuel Macron et les présidents des pays du G5 Sahel), qui devait initialement se tenir le 16 décembre, cette nouvelle tragédie questionne les stratégies militaires au Sahel.

 

Mardi, en fin d’après-midi, une colonne de véhicules rassemblant près de cinq-cents djihadistes en provenance du Nord du Mali a assailli le poste d’Inates. Le centre de transmission et les réserves de munitions et de carburant sont détruits dès le début de l’assaut par des pièces d’artillerie légère montées sur pick-up. Les combats se poursuivent ensuite au sein même du camp qui est dévasté. Les premiers renforts, dont deux Mirage 2000 de la force Barkhane, rejoignent les lieux plus de six heures après le début de l’attaque, leur arrivée permettant de refouler les attaquants. Il s’agit de la seconde offensive depuis juillet contre ce poste stratégiquement situé à cinq kilomètres de la frontière malienne, à proximité du repaire terroriste de la Réserve de faune d’Ansongo, et à moins de deux-cent-cinquante km de la capitale. Inates est également placé entre deux plaques tournantes des trafics d’armes et de drogue que la présence militaire gêne. En absence de revendication et au vu des moyens déployés, l’attaque avait d’abord été attribuée au Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM) d’Yad Ag Ghali, mais c’est  finalement l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP, issu de Boko Haram) qui en revendique l’organisation.

 

L’ampleur et la précision de l’attaque attestent une nouvelle fois de la sophistication des groupes armés terroristes. Leur coordination sur le terrain met les armées nationales de la zone dite des “Trois frontières” en grande difficulté, alors qu’il avait été convenu au lendemain du forum de la paix de Paris que le Tchad renforcerait particulièrement cette région afin d’inverser le rapport de force. En augmentant la pression, les djihadistes espèrent amener le Niger à faire le même choix que le Mali, celui du repli des poste-avancés. Mais retirer les forces gouvernementales de certaines zones risque d’être catastrophique. Outre la création de nouveaux couloirs pour les trafics en tous genres qui participent à la résilience du terrorisme, l’abandon des populations est un terreau fertile pour le renforcement de ces groupes armés. Le raffermissement tactique des armées nationales doit s’accompagner de projets politiques et de développement en phase avec les besoins des civils, afin de limiter l’emprise terroriste. Mais surtout, les forces africaines qui, à l’heure actuelle, ont perdu l’initiative du combat doivent développer une véritable politique de défense basée sur l’offensive.

 

Lourde de conséquences politiques, les difficultés de l’armée nigérienne remettent sur la sellette la lancinante problématique du partenariat franco-sahélien. Alors que Bamako et Moscou ont signé un accord de coopération militaire et que Niamey reçoit une aide militaire américaine de vingt-et-un millions de dollars, la question de l’efficacité, de l’acceptabilité, si ce n’est du rôle de l’engagement français est posée. Malgré le report du sommet de Pau, l’accélération du calendrier doit permettre de clarifier les positions de chacun sur la présence française. Et, le cas échéant, redéfinir les modalités de déploiement de l’opération Barkhane. Une première prise de température sera possible en ce début de semaine, dès la fin  du sommet extraordinaire du G5 Sahel, réuni à huis clos à Niamey.

 

 

 

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