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Sommet de Sotchi, un retour triomphant ?
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Les 23 et 24 octobre dernier s’est tenu le sommet Russie-Afrique à Sotchi réunissant quarante-trois chefs d’Etats et de gouvernement africains. L’événement, largement commenté et présenté comme un “retour” si ce n’est une victoire diplomatique d’un Vladimir Poutine “conquérant” constitue-t-il pour autant un tournant majeur dans la diplomatie russe ? Ou n’est-il pas plutôt le prolongement d’une action initié bien en amont, sur un théâtre ancien d’affrontement entre Occident et Orient ?

 

 

Il y a plus de soixante ans se tenait la conférence du Caire (du 26 décembre au 1er janvier 1958), marquant l’entrée remarquée de l’URSS sur le continent africain, avec le soutien intéressé du président égyptien Gamal Abdel Nasser. Les règles étaient alors celles de la guerre froide, dans une logique bipolaire où tout détachement d’un camp constituait un gain pour celui adverse, la décolonisation s’inscrivait dans ce jeu à somme nulle. L’atout majeur de l’URSS était de proposer une alternative à la dialectique colonisé/colonisateur en instaurant de nouvelles modalités de coopération. A l’exploitation économique et aux sujétions politiques succédaient l’assistance et la coopération technique, l’aide économique et la vente d’armes, notamment en direction de l’Egypte.

 

 

L’Afrique, outre ses ressources naturelles, constituait pour l’URSS un point d’appui stratégique pour contourner les manœuvres d’encerclement mis en place par les puissances occidentales, notamment anglo-saxonnes, atteintes alors d’une toute relative pactomanie. Avant les années 50, l’Afrique était loin d’emporter l’engouement des observateurs soviétiques. Aux congrès de Bakou (1920 et 1927) avait été souligné l’enjeu que représentaient les pays colonisés pour l’accomplissement du dessein marxiste-léniniste. Mais le premier horizon était alors l’Asie. Nombre de ces logiques, à notre période, sont restées les mêmes, dans un ordre mondial pourtant refondu.

 

 

Bien que la guerre froide ait marqué le désengagement soudain des Soviétiques du continent africain, à l’appel du président Russe n’ont pourtant répondu pas moins de quarante-trois chefs d’Etats et de gouvernements, dont environ la moitié a pu s’entretenir directement avec Vladimir Poutine. Les thèmes abordés se sont articulés autour de trois sujets : les échanges culturels et techniques, les investissements russes, et la coopération militaire ;  autrement dit, à l’Est rien de nouveau.

 

 

L’instabilité endémique du continent africain constitue traditionnellement le cheval de Troie des puissances étrangères, où la sécurité permet l’ouverture des marchés. À cet égard, on peut souligner l’envoi de conseillers politiques russes dès 2015 dans divers pays africains, notamment à Madagascar, en République démocratique du Congo et surtout en Centrafrique, où la crainte d’un “printemps des peuples” constitue une aubaine pour les sociétés militaires privées comme la SMP russe Wagner. L’armement est également l’un des piliers de cette coopération, les pays du Mozambique et du Zimbabwé ont toujours sur leur drapeau l’emblématique Kalachnikov, mais c’est principalement en Algérie, et en Egypte que se destine le gros des exportations d’armes russes. C’est d’ailleurs grâce au soutien du président égyptien Al-Sissi que s’est tenu le sommet.

 

 

Cette sous-traitance de la sécurité ouvre la porte aux marchés pour les investisseurs russes, mais permet aussi une coopération technique. La Russie collabore par exemple dans le domaine spatial avec la Tunisie, mais c’est surtout dans le domaine du nucléaire que sa clientèle s’élargit, avec par exemple le Nigeria, le Soudan et l’Ethiopie.

 

 

La Russie constitue-t-elle pour autant un concurrent sérieux pour les puissances déjà implantées en Afrique comme la Chine, les Etats-Unis ou la France ? Si la pénétration russe dans le pré-carré français est à noter, à travers son intérêt croissant pour la force G5 Sahel et la Centrafrique de Touadéra (invité l’année passée du forum économique de Saint-Pétersbourg), le poids économique de la Russie sur le continent est tout relatif. Le volume des échanges entre l’Afrique et la Russie en 2017 était de 17 milliards de dollars, tandis que l’Union européenne totalisait 275 milliards et la Chine 200 milliards.

 

 

Si la position de la Russie en tant que concurrente doit être relativisée, son intérêt renouvelé pour l’Afrique peut se lire au prisme des sanctions occidentales qui pèsent sur cette dernière depuis l’annexion de la Crimée. À nouveau, l’Afrique offre un moyen de contourner l’encerclement occidental tandis que le principal débouché pour la Russie demeure l’Asie.

 

 

 

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