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Vénézuéla : offensive de Juan Guaido pour gagner le soutien des forces armées
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Vénézuéla : offensive de Juan Guaido pour gagner le soutien des forces armées

Tensions à Caracas

 

Ce matin avant l’aube, Juan Guaido a publié sur son compte Twitter une vidéo en direct appelant les militaires à rejoindre l’opposition pour renverser le gouvernement Maduro. C’est sur la base aérienne Général Francisco de Miranda, dite La Carlota, que se seraient réunis le leader de l’opposition vénézuélienne entouré d’un nombre conséquent mais indéterminé de soldats. Dans cette vidéo, le président par intérim appelle le peuple à sortir dans les rues de Caracas et à rejoindre les soldats ralliés. Des coups de feu ont été tirés à l’extérieur de la base par les soldats partisans de Guaido, afin de dissuader les forces du régime de pénétrer dans celle-ci.

 

Plus tard, à 10h (heure locale), J.Guaido a rejoint le centre de Caracas (place Altamira) pour chanter l’hymne national avec les soldats et la population rassemblés. Vers 16h (heure française), il annonce le début de « l’Opération Liberté », déjà mentionnée dans la vidéo. Simultanément, les forces (police ou armée) ralliées à Guaido ont libéré l’opposant politique Leopoldo Lopez qui a rejoint le leader de l’opposition.

 

 

Les réactions du Président vénézuélien ont été publiées à 16h, également sur la plateforme Twitter. Celui-ci assure disposer du soutien des forces armées, réitéré lors d’un échange avec l’Etat-Major. Nicolas Maduro appelle, en même temps, à une « mobilisation populaire maximale », tandis que le vice-président D.Rodriguez, a invité le peuple à se rendre au palais présidentiel de Miraflores afin de « défendre la paix ». A cet égard, la faction ralliée à Guaido est qualifiée de « traîtres menant une tentative de coup d’Etat ».  Le ministre adjoint à la Communication, I.Jimenez a confié à la chaîne américaine CNN que la situation était « sous contrôle » et que l’armée soutenait le président Maduro. Outre la volonté de rassurer, le ministre des Affaires Étrangères pour sa part dénonce les soutiens américains et colombiens dans la tentative de déstabilisation survenue cette nuit : selon lui, les actions menées ce jour auraient été fomentées à Bogota et Washington.

 

 

Sur place, une foule s’est réunie autour de la base Carlota, au niveau de l’échangeur autoroutier au nord de Caracas vers 17h, où ont été lancés des gaz lacrymogènes tandis que des échanges de coups de feu ont été filmés par la chaîne vénézuélienne NTN24. L’accès à Internet serait apparemment restreint ainsi que l’accès aux routes ; les forces gouvernementales bloquant l’autoroute menant à la base militaire. Celles-ci ont rapidement dispersé les foules dans la capitale, en fendant les groupes à l’aide de véhicules blindés.

 

 

Vers 19h, aucun pourparlers entre Guaido et Maduro n’avait été entamé. Le diplomate vénézuélien, soutien de Guaido, C.Vecchio a déclaré que la seule négociation avec Maduro serait celle des modalités de son départ. Il a affirmé également que si Maduro détenait peut-être la loyauté du commandement (qui bénéficie de la mainmise de régime sur l’économie), Guaido possédant celle des rangs intermédiaires et des soldats du rang (Cf. Article du 29 avril sur Nemrod-ECDS).

 

 

Des réactions internationales rapides et contrastées

 

Les soutiens internationaux aux deux factions vénézuéliennes n’ont pas tardé à être exprimés. En Amérique Latine, déjà divisée entre partisans et opposants au régime Maduro, la Colombie (I.Duque), le Brésil (J.Bolsonaro), le Panama et l’Argentine ont confirmé leur soutien à J.Guaido et ont exhorté les forces armées à rallier l’auto-proclamé président par intérim. Le groupe de Lima, quant à lui, a demandé une réunion d’urgence.

 

Les alliés régionaux traditionnels du régime bolivarien, Evo Morales (Bolivie) et Miguel Diaz-Canel (Cuba) ont annoncé sur Twitter rejeter le coup d’Etat, accusant les « traîtres » au régime d’utiliser la violence afin d’alimenter la terreur régnant depuis des mois.

 

Seul le Mexique, rare pays de la région à ne pas avoir reconnu la légitimité de Guaido, a réitéré sa position de neutralité, le président Obrador appelant au dialogue et à une issue négociée, excluant la violence et respectueuse des droits de l’homme.

 

Des diverses réactions parues dans la journée, ressort une réserve frileuse à qualifier les événements que certains tendent à minimiser, à tort ou à raison. Le ministre brésilien des affaires étrangères, E.Araujo déclare : « C’est évident qu’il y a du mouvement, mais il faut analyser la dimension réelle de ce qui se passe en ce moment, nous recevons de nouveaux éléments chaque minute ».

 

Dans cette mesure, les Nations-Unies se sont manifestées en fin de journée par l’intermédiaire du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. L’organisation suit de très près l’évolution de la situation vénézuélienne, tout en appelant au calme, à la retenue et à l’absence de violences. Elle a pu établir une liaison avec les différentes parties sur place.

 

Par ailleurs, Samuel Moncada, l’ambassadeur de Caracas aux Nations-Unies a accusé les principaux dirigeants ayant apporté leur soutien au mouvement de Juan Guaido d’être complices de la déstabilisation du pays.

 

Les Etats-Unis ont rapidement affirmé leur plein soutien aux actions de l’opposition, enjoignant l’armée vénézuélienne à rejoindre le camp adverse, via un tweet du Conseiller à la sécurité nationale John Bolton. Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a quant à lui réitéré l’engagement des Etats-Unis en faveur de la volonté démocratique du peuple vénézuélien exprimée par « l’Opération Liberté » en cours. Le vice-président Mike Pence , a également abondé dans ce sens, en réaffirmant « le soutien des États-Unis jusqu’à ce que la liberté et la démocratie soient restaurées ». A cet égard, le ministre vénézuélien des affaires étrangères a lancé un avertissement à l’administration Trump contre toute tentative d’ingérence.

 

Plus tard dans la journée (vers 21h heure française), le président Trump s’est exprimé avec sobriété sur Twitter, affirmant le soutien des Etats-Unis « au peuple vénézuélien et à sa liberté ». S’en est suivie une déclaration de John Bolton à la presse, dans laquelle il a assuré que le premier objectif de Washington était un « transfert pacifique de pouvoir » de Nicolas Maduro vers Juan Guaido. Il a également réfuté l’appellation de coup d’Etat en raison de la reconnaissance par les Etats-Unis de la légitimité de Juan Guaido comme Président par intérim.

 

Du côté européen, toujours en accord avec les dernières déclarations de janvier, la communauté de l’Union européenne a exprimé son soutien au mouvement d’opposition, qualifié par le président du Parlement européen Antonio Tajani de « moment historique ». Pour autant, le gouvernement espagnol ne soutient pas la tentative de coup d’Etat en cours et continue de prôner une solution pacifique : la tenue d’élections immédiates. Pour cause, 200 000 ressortissants espagnols vivent au Venezuela.

 

Ayant des soldats sur place, les réactions de la Russie ont également fait l’objet des plus vives attentions. Le Kremlin a déclaré suivre la situation, et qu’une réunion entre Vladimir Poutine et son conseil de sécurité avait eu lieu, mais exclut toute intervention des soldats présents à Caracas dans la situation actuelle ; ces personnels ont pour unique vocation d’assurer la formation des unités vénézuéliennes et la maintenance de certains matériels militaires. Par ailleurs, le ministère russe des Affaires étrangères a condamné l’opposition vénézuélienne, l’accusant « d’inciter au conflit ».

 

Ce soir, mardi 30 avril à 20h30, les dernières informations attestent du départ de Juan Guaido, Leopold Lopez et d’un groupe de manifestants de la Place Altamira. Selon un porte-parole de l’opposition, ils se dirigent vers l’Etat voisin de Miranda sans que leur destination finale ne soit bien déterminée. Le palais présidentiel de Miraflores ne serait pas leur objectif, il s’agirait surtout pour eux « de progresser ».

Par ailleurs, un premier bilan, fourni par un représentant de l’hôpital Salud Chacao à Caracas fait état de 52 blessés dans les affrontements entre l’opposition et les forces du régime.

 

A ce stade, la situation demeure donc confuse, en particulier quant à l’ampleur précise du soutien des forces armées à Juan Guaido et corrélativement, à l’ampleur de la désolidarisation des forces vénézuéliennes du régime de Nicolas Maduro. Le positionnement des Armées dans les prochaines heures, et vraisemblablement les prochains jours, devrait donc s’avérer décisif pour l’évolution du régime vénézuélien. Se pose particulièrement la question de la loyauté des forces au commandement alors que ce dernier demeure fidèle au régime, ainsi que celle de la pérennité du lien entre l’Etat-Major et le gouvernement Maduro.

 

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