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Amérique Latine – Vers une Doctrine Bolsonaro ?
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L’année 2018 a été marqué par une série d’élections présidentielles en Amérique Latine : Colombie, Amérique Centrale, Mexique. A Cuba, la direction castriste a nommé comme successeur Miguel Diaz Bernal qui semble pour l’instant maintenir la ligne politique définie par Fidel et Raul Castro. Pourtant, un véritable virage à droite du continent latino-américain a été réalisé cette année. Ce phénomène a été confirmé par la victoire du candidat du Parti Social Libéral au Brésil, Jair Bolsonaro. Ancien militaire et présenté comme une figure populiste d’extrême droite, il multiplie les propos polémiques. A cet égard, l’analogie entre le Brésilien Jair Bolsonaro et l’Américain Donald Trump est régulièrement soulignée par les médias internationaux. Adeptes des polémiques et des propos radicaux, les deux figures populistes inaugurent un changement de paradigme en Amérique en faveur du conservatisme.

 

C’est dans ce contexte que diverses analyses géopolitiques ont mis en évidence la « Doctrine Bolsonaro ». Cette nouvelle orientation de la politique étrangère brésilienne notamment aux Amériques s’appuie sur le rôle traditionnellement prépondérant des Etats-Unis dans la région. En rupture avec l’orientation sud-américaine de la diplomatie du « Parti des Travailleurs » (PT), Jair Bolsonaro veut ainsi renforcer les liens entre Brasilia et Washington dans les domaines stratégique, militaire, politique et du renseignement. En accord avec la convergence politique et idéologique entre les deux figures populistes, la nouvelle vision brésilienne à l’extérieur tendrait donc à valoriser les relations avec le voisin nord-américain aux dépens des partenaires latino-américains. Cette dimension relative aux affaires proprement américaines s’accompagne d’une vision internationale qui valorise la convergence de vues entre les deux pays. Tout État considéré comme une menace par la puissance nord-américaine – rogue state – sera également traité comme une menace par les autorités brésiliennes. On peut donc tout à fait envisager des pays comme le Soudan, la Libye, la Chine, l’Iran, la Corée du Nord, Cuba ou la Russie prochainement soumis à des restrictions de la part du Brésil en vertu de la « Doctrine Bolsonaro ».

 

Cet alignement sur la puissance nord-américaine se fait donc aux dépens des relations entre le Brésil et, d’une part ses voisins latino-américains, d’autre part, ses partenaires internationaux. Un autre trait essentiel de la vision diplomatique de M. Bolsonaro est relative à l’accroissement des dispositifs militaires et stratégiques. Dans le cadre d’une politique étrangère privilégiant une réponse ferme face à des menaces présumées, les autorités brésiliennes seront susceptibles de renforcer leur arsenal aérien, terrestre ainsi que maritime. Dans les domaines de l’aérospatial, du renseignement et de la cyberdéfense, différents dispositifs peuvent également être mis en place comme des programmes, des investissements, des formations, de nouvelles unités ou des installations modernes. Évidemment, cela n’exclut pas une aide extérieure américaine notamment dans le cadre du rapprochement entre Washington et Brasilia. Enfin, la diplomatie établie par Dilma Rousseff et Lula favorable à la coopération avec les Suds va probablement être remise en cause. Rompant avec les codes diplomatiques et géopolitiques du PT, Jair Bolsonaro, privilégiant l’approche nord-américaine, sera également plus enclin à coopérer avec les pays développés y compris européens. Cette nouvelle diplomatie est à contrecourant de la vision Sud-Sud développée précédemment en lien avec l’héritage tiers-mondiste.

 

Finalement, l’élection de Jair Bolsonaro, confirmant le virage à droite de l’aire latino-américaine, contribue également à un changement net de la diplomatie brésilienne. La « Doctrine Bolsonaro » optant pour l’approche américaine rompt avec l’héritage travailliste et pourra contribuer au renforcement des capacités militaires du géant sud-américain. L’abandon récent du programme médical cubain ainsi que le possible retrait brésilien des BRICS (“Braxit”) et de l’UNASUR montre que les principes travaillistes en matière de relations internationales sont aujourd’hui en sursis.

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