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Les forces navales marocaines
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Par Sabil Zeroual

Les marines des pays du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie font depuis peu l’objet d’une attention croissante. Le budget qui leur est consacré augmente, dans la mesure des capacités financières de leurs pays respectifs.

 

Dans un contexte de crise migratoire en Méditerranée, les pays européens sont tentés de voir en elles des partenaires avec lesquels il est nécessaire de coopérer pour contrôler les routes migratoires, en particulier depuis le sommet de la Valette. En parallèle à ce problème migratoire, chaque marine doit répondre à des objectifs et défis propres. Cette série d’articles analyse l’état actuel des marines maghrébines, leurs défis et les projets.

 

Etat des lieux

 

La Marine Royale Marocaine (MRM) semble aujourd’hui en pleine transition. Elle aligne d’une part des navires très récents, de premier ordre, et de l’autre des navires vieillissants voués à être modernisés, remplacés, ou retirés du service sans autre forme de procès. L’état de la MRM doit se lire à l’aune des ambitions du royaume dans son environnement immédiat: tentative d’affirmation de sa souveraineté sur le Sahara occidental, disputes territoriales récurrentes avec l’Espagne, notamment au sujet des enclaves de Ceuta et Melilla.

 

Ces tensions ont notamment culminé en 2002, lors de l’incident de l’îlot de Perejil. Cet îlot au large de la côte marocaine, revendiqué par l’Espagne et le Maroc, fut brièvement occupé en juillet 2002 par quelques soldats marocains, avant que ceux-ci ne soient rapidement arrêtés par les forces espagnoles. Cet incident a eu un retentissement considérable dans les deux pays et continue de marquer les esprits 16 ans après.

 

 

 

La Marine joue donc un rôle important dans la politique étrangère et régionale du pays, d’autant plus lorsque l’on prend en compte le rôle du détroit de Gibraltar. Le Maroc se trouve donc propulsé sur une scène qui implique non seulement l’Espagne et le Royaume-Uni, mais indirectement tous les pays et grandes puissances impliquées dans le commerce mondial. Il s’agit donc d’un enjeu majeur pour le Maroc et pour la stature internationale qu’il entend se donner. La navigation dans le Détroit de Gibraltar obéit au principe de “libre circulation” promu en 1982 par la convention de Montego Bay, mais la monarchie chérifienne se doit de surveiller qu’aucune entorse à sa souveraineté territoriale ne soit commise au nom de ce principe : cette sécurisation des eaux est un défi central pour la marine marocaine.

 

La MRM a donc bénéficié d’une série d’achats majeurs et du renouvellement d’une partie de sa flotte, qui s’est surtout matérialisé à travers l’achat d’une Frégate Multi-missions (FREMM) baptisée Mohammed VI, et de 3 frégates SIGMA, dont deux du type 9813 et une du type 10513. Cette série d’acquisitions ne saurait non plus masquer les nombreux efforts qui restent à réaliser pour la MRM, guettée par l’insuffisance capacitaire, et dont la majorité de la flotte demeure composée de bâtiments anciens.

 

La frégate FREMM « Mohammed VI », joyau de la flotte marocaine, a été livrée en 2014 par DCNS. Elle a coûté au Royaume la bagatelle de 470 millions d’euros, montant à comparer à un budget annuel de la défense de 3,5 milliards de dollars pour l’année 2018. La frégate Mohammed VI  affiche des capacités standard pour une FREMM destinée à l’export: 16 missiles ASTER 15 lancés à partir de 16 VLS Sylver A43, 4 Exocet MM40 Block III, 4 tubes lance-torpilles pour MU90 Impact et un canon OTO Melara de 76mm. Elle est également équipée d’une suite radar et électronique modernes, qui comprend notamment par un radar Herakles 3D de Thales.

 

Les frégates Sigma, les 9813 et la 10513 sont quant à elles équipées des mêmes canons de 76mm,  des même missiles Exocet, mais de 12 MICA VL dans des VLS et 2 systèmes de lance-torpilles B515. Elles sont également dotées de radars Smart-S MK2 et du système de combat management TACTICOS de Thalès.

 

 

A côté de ces 4 navires très modernes, la Marine Royale Marocaine aligne 2 frégates de surveillance de classe Floréal, destinées aux missions de patrouilles et de souveraineté, ainsi qu’une frégate de classe Descubierta datant des années 1980, et 4 navires lance-missiles de type Lazaga.

 

La MRM ne dispose pas de capacités amphibies développées. Son seul Landing Ship Dock de classe Newport a été déclassé, et la fin du service actif de ses trois Batral approche. Elle ne dispose pas non plus de sous-marins ; si des rumeurs d’achat ont circulé, elles ne se sont jusqu’alors nullement concrétisées. Gageons, au vu des restrictions budgétaires et de l’urgence capacitaire auxquelles la Marine Marocaine se trouve confrontée, que cette perspective demeurera lointaine pour quelques années encore.

 

Ses seuls aéronefs sont pour le moment 3 hélicoptères Panther, achetés en même temps que les Floréals, au début des années 2000. La Marine royale ne dispose pas d’appareils de surveillance maritime et encore moins d’hélicoptères à vocation anti-sous-marine et de lutte contre les cibles de surface, même si sa FREMM et ses Sigma sont maintenant en service actif depuis plusieurs années. Cela constitue une négligence de taille, et laisse penser que des contraintes budgétaires ont empêché de compléter l’armement de ces navires.

 

Défis et missions de la Marine Royale Marocaine

 

Le Maroc occupe une position stratégique en Afrique du Nord, car il dispose à la fois d’une cote océanique et méditerranéenne. L’économie du pays dépend également de ses ports et villes côtières, notamment du port de Tanger Med. La monarchie chérifienne doit donc, pour sécuriser ses intérêts économiques, protéger et surveiller ses deux façades maritimes.

 

La définition de zones de pêches, l’éclaircissement des litiges territoriaux concernant des îles en Méditerranée, et la définition précise des ZEE avec l’Espagne font aussi partie des préoccupations vitales de la défense marocaine. Il ne faut par ailleurs pas oublier la question du Sahara occidental, contesté depuis plusieurs décennies par le Front Polisario. La MRM joue un rôle clé dans la sécurisation du littoral des territoires disputés.

 

Se rajoute à ces missions celle de la lutte contre l’immigration illégale en méditerranée, qui va en augmentant ces dernières années. Le Maroc est l’un des principaux partenaires des pays de la rive nord dans la sécurisation des voies de navigation et dans la lutte contre la criminalité, et particulièrement contre le trafic de drogue : en témoigne la participation de la marine marocaine à l’opération Active Endeavour de l’OTAN, menée en Méditerranée depuis 2009 pour traquer les groupes terroristes et lutter contre la prolifération d’armes. En résulte donc une impérieuse nécessité d’investissement dans cette branche des Forces Armées Royales (FAR). L’état actuel de la Marine Royale ne semble pas pouvoir répondre totalement à ces missions, malgré le récent effort d’équipement.

 

Perspectives

 

La principale problématique pour la marine marocaine est de déterminer une politique d’achat cohérente qui prenne en compte la situation géopolitique dans laquelle se trouve le pays et un contexte budgétaire étriqué, qui laisse très peu de marge de manœuvre. En effet le temps des achats majeurs semble révolu. Les acquisitions les plus récentes pour la marine concernent un navire hydrographique et une barge logistique de 50 mètres à Kership et Piriou. Dans un tel contexte budgétaire, le choix de la FREMM paraît discutable.

 

En dehors de toute considération politique, ce choix ne semble pas cohérent, alors que d’autres branches de la MRM ont besoin d’être modernisées. Par ailleurs, le choix d’un navire aussi coûteux pose la question des frais de maintenance et d’utilisation. Acheter des navires plus légers, moins chers à l’entretien et à l’utilisation aurait sans doute été plus approprié au regard du contexte marocain. Sans doute l’achat d’une autre série de trois SIGMA et d’une autre série d’hélicoptères Panther –  destinés aux missions de lutte anti-sous-marine et à la lutte contre les objectifs de surfaces – aurait-il été plus stratégique.

 

Du reste, dans le contexte sécuritaire actuel, la MRM semble manquer d’appareils de surveillance. Malgré les récentes acquisitions, la MRM peut difficilement tenir tête à son voisin espagnol dans les disputes territoriales ; le Maroc doit donc trouver d’autres moyens de parvenir à ses fins. Dès lors, en se concentrant sur les missions de souveraineté et de surveillance de la ZEE, la Marine Royale Marocaine pourrait focaliser ses achats, et donc se procurer des navires et appareils qui répondent à ses besoins réels, et non à d’éventuelles questions de prestige.

 

 

 

Sources:

https://www.meretmarine.com/fr/content/la-fremm-marocaine-toujours-toulon

http://www.seaforces.org/marint/Moroccan-Navy/F-613-RMNS-Tarik-Ben-Ziad.htm

http://products.damen.com/en/ranges/sigma-frigate-and-corvette/sigma-frigate-9813

http://products.damen.com/en/ranges/sigma-frigate-and-corvette/sigma-frigate-10513

https://www.navyrecognition.com/index.php/world-naval-forces/african-navies-vessels-ships-equipment/morocco.html

https://www.meretmarine.com/fr/content/piriou-va-construire-un-batiment-hydro-oceanographique-pour-le-maroc

https://www.meretmarine.com/fr/content/piriou-livre-au-maroc-le-chaland-de-debarquement-sidi-ifni

https://www.usinenouvelle.com/article/la-fregate-high-tech-fremm-de-dcns-livree-a-la-marine-royale-du-maroc-ce-30-janvier.N236225

https://www.forcesdz.com

http://far-maroc.forumpro.fr

 

 

 

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